L'énantiodiscrimination est l'un des défis majeurs de la chimie contemporaine. Il s’agit de distinguer deux molécules qui se comportent comme des images miroirs non-superposables (énantiomères d’une molécule chirale). En effet, les molécules chirales existent sous deux formes, qui induisent des effets différents dans les systèmes biologiques. Elles doivent donc être produites de manière stéréosélective, notamment pour un usage pharmaceutique.

Alexander Kuhn, enseignant à l’ENSMAC - Bordeaux INP et chercheur à l’ISM^*, a obtenu en 2017 un ERC Advanced Grant pour son projet de recherche ELECTRA : "Electrochemically induced Asymmetry: from materials to molecules and back" qui avait, en partie, pour but de développer de nouvelles approches pour synthétiser les énantiomères uniques au lieu de mélanges racémiques. En effet, si de mauvais énantiomères sont présents dans les produits pharmaceutiques, leurs effets peuvent être toxiques, voire mortels, comme l'a illustré le scandale autour de l'utilisation de mélanges racémiques de thalidomide dans les années 1960.  Par la suite, il est devenu évident, et fortement recommandé par la Food and Drug Administration (FDA) et la législation européenne, que les médicaments doivent contenir des énantiomères purs.

Il existe donc un besoin fort, et sans cesse croissant, de développer des technologies avancées permettant une production sélective d’énantiomères par de nouvelles stratégies de synthèse. Cet enjeu est au cœur du projet AMEN (« Advanced Molecular ENantiodiscrimination), projet pour lequel, Alexander Kuhn est lauréat d’une bourse ERC Proof of Concept. Ces bourses visent à faciliter l'exploration du potentiel d'innovation commercial et sociétal de la recherche financée par l'ERC. 

Le projet AMEN suit le concept non conventionnel, développé lors de la subvention ERC Advanced ELECTRA, afin d'obtenir des énantiomères uniques et pures, au lieu de mélanges 50/50 des deux, obtenu dans un processus de synthèse non-sélectif classique. 

La stratégie fondamentale du concept a déjà été validée par des expériences de preuve de principe au cours du projet mené depuis 2017 et a montré une sélectivité, une efficacité et une contrôlabilité extrêmement élevées, mais uniquement à l'échelle du laboratoire. Par conséquent, l’équipe de recherche prévoit comme prochaine étape logique d’étudier en détail la possibilité d’étendre ce processus et d’évaluer sa viabilité commerciale et sa compétitivité.

^{* Institut des Sciences Moléculaires (ISM – CNRS/Bordeaux INP/université de Bordeaux))}